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Aymeric

Madeira Island Ultra Trail 115km : Mon récit de course

Après ma course à Charlevoix l’automne dernier, j’ai saisi l’opportunité de m’inscrire à une course à Madère, une île du Portugal au large du Maroc, entre les Açores et les îles Canaries. Bref, à mettre sur ta liste de destination à visiter au plus vite, c'est une destination tout simplement incroyable.


Nous n’avions pas le droit à l’hésitation puisque la course était sold out en moins de 48 heures après l’ouverture des inscriptions en septembre 2022.


1000 places comblées pour le départ du MIUT 115 KM et 7000 mètres de dénivelé positif (D+).



Le dénivelé allait être un défi de taille. Je n’avais jamais fait plus de 4400 m de dénivelé en une sortie et je ne me suis jamais considéré comme un fan des grandes montées et du gros D+.

Je savais donc sur quoi mettre mon focus pour les mois de préparation précédant la course. Mon focus était d'avoir des jambes assez fortes pour grimper et descendre les pentes de ce graphique ci-dessous et d'arriver jusqu'à la ligne d'arrivée.



Mon année 2023 de course est prévue en fonction du Bromont Ultra 160km qui aura lieu en début octobre. MIUT est une préparation dénivelée et m’a forcé à avoir un hiver très actif. J’ai un 100km en août au Saguenay qui servira à tester où j’en suis rendu dans ma préparation et me mettre en confiance pour le 160km. Je me garde une possibilité de course au choix en juin/début juillet selon où nous serons à ce moment-là de l’année, pour m’amuser et passer une longue journée dehors.


L’entrainement hivernal s’est super bien passé. Grâce à coach Nico qui dose bien mes semaines et sans aucun bobo qui m’a empêché de me préparer au MIUT. J’ai réussi à avoir de beaux weekends à jouer longtemps dehors en randonnée – backcountry – snowboard - course – raquette – ski de fond.



En arrivant 3 semaines avant la course à Madère, j’ai pu passer beaucoup de temps dans les sentiers pour me donner un avant-goût de la grande course.




KM 0 : Après 1 semaine à diminuer drastiquement l’entrainement, manger, boire (de l’eau), me reposer et attendre la course, On arrive enfin au jour-J. Nous sommes près de 1000 participants sur la ligne de départ, je suis avec Vincent & Nico, nous nous sommes dit qu’on allait tenter le trajet ensemble de bout en bout avec des objectifs de temps par passage pour arriver à faire une course dans les environs de 25h (Nico avait secrètement visé entre 25 et 27h dans sa tête).

La course commence à minuit dans une marée de coureur dans les rues de Porto Moniz, au nord-ouest de l’île. On fait 2-3 dépassements sur le trottoir, croyant avoir passé le plus gros de la moitié du peloton. On tourne un coin et on voit des lumières rouges clignotantes par centaines des coureurs devant nous. C’est super impressionnant quand ta plus grande course est de 300 participants au total !


Premier 15km pour 1500m de D+, c’est considéré une bonne sortie en entrainement de fin de semaine. Dans ce cas-ci, c’est notre début de course, il restera 100km et 5500m de D+ après ça. La montée se fait tranquillement, il y a beaucoup de coureurs un en arrière de l’autre, les dépassements ne sont pas toujours faciles dans les sentiers en « single track ». L'ambiance est drôlement calme. Très peu de jasette dans les sentiers, c'est très silencieux. Tout le monde est concentré sur son prochain pas et sa prochaine respiration. Nico a un petit coup de fatigue (évidemment, il est 2-3h du matin). Vincent n’est pas très patient en montée, il aime imposer son rythme de grand grimpeur. On progresse bien et on retrouve notre grand grimpeur au premier ravitaillement. Pas de tracas pour le début de course, le ton est donné.


KM 15 : On descend bien le 8km pour 800m par la suite. Il y a toujours une file de coureurs dans certaines sections, ça casse un peu le rythme, mais bon, on ne commencera pas à se plaindre ici. On attaque rapidement la 2e grosse montée de la nuit, un 10km pour 1400m de D+. On avance bien, Nico me signale de faire attention aux « faux rythmes » imposés par les personnes devant nous. C’est facile de rester confortablement derrière des gens, mais une fois le dépassement fait, on se rend compte qu’on était beaucoup plus lent qu’à notre rythme habituel. Merci coach.


À plus de 1400m d’altitude à 5-6h du matin avec la rosée, le froid commence à atteindre mes extrémités. Grand frileux de nature, je tarde à mettre mon manteau. Je remarque que mon corps prend beaucoup d’énergie à tenter de me réchauffer, je n’arrive pas à manger comme je le voudrais non plus à cause de ça, mais le ravito n’est qu’à quelques kilomètres encore. Je prends mon mal en patience, mais regrette un peu de ne pas avoir apporté des gants avec moi.


KM 33 : C’est le premier ravito ou on a droit à de l’aide extérieure. Émilie est censée être là avec quelques provisions de plus, mais on est plus d’une heure en avance sur notre programme. Je me doutais bien qu'elle n'arriverait pas à temps. On a su après qu’elle y était seulement 10 minutes après nous !! Mais bon, pas le temps de niaiser, je retrouve l’usage de mes mains sous la chaufferette et on entame une descente de 1400m de dénivelé. Nous assistons à un suuuuperbe levé de soleil. On prend 1 minute pour apprécier le spectacle, on se fait dépasser par quelques personnes, mais rien ne va nous empêcher de prendre une bonne inspiration devant cette vue. Je m’étais fait promettre de profiter le plus possible pendant la course. On voit les montagnes au loin, celles qu’on va attaquer en milieu de journée. On descend super bien en plus d’être seul sur plusieurs KM.



KM 43 : On rejoint le trajet commun de la course du 85km qui commençait le matin de Sao Vicente. Gab fait partie de cette course, on sait qu’il viendra nous rejoindre dans plusieurs heures, quelque part en milieu de journée selon nos estimés communs. Finalement, ça ne prend pas 30 minutes qu’il nous rattrape. Il est en mission et lui aussi en avance sur son programme. On se suit les 4 jusqu’au ravito où Émilie et Noémie nous attendent. Gab part assez vite pour ne pas trop coller avec nous. On prend le temps de se faire un bon ravito, c’est l’heure du dej, champignons et riz au menu.



KM 50 : Prochain arrêt Curral Freiras, un 15km pour 1000m de D+ et 1000m de D- qui prend un peu plus de temps que prévu. la chaleur commence à se pointer le bout du nez. La progression se fait bien, mais on a hâte d’arriver au ravito. Une fois arrivé, je me sens un peu plus « saisi », j’ai froid avec des frissons et je semble être le seul à avoir cette sensation. Je change de chandail, toujours froid, j’attends qu’Émilie me dise que je fais un coup de chaleur pour arrêter, elle me dit plutôt que je vais me réchauffer au soleil... (conseil d’infirmière en vacances, ne pas reproduire à la maison).

Elle me connait et m’a vu dans de pires états. Rien d’inquiétant à ses yeux.

Je mange très peu, je compense avec le Gatorade.


KM 65 : Après un bon arrêt de 20-25 minutes, on se remet en route à 3 pour la montée du fameux Pico Ruivo. Un 11km pour 1500m de D+ nous attend, on sait qu’elle va piquer, mais après ce « split », la majorité du dénivelé sera fait et il en restera plus à descendre qu’à monter. Je bois de l’eau ++, je trempe ma tête dans les cours d’eau sur mon chemin pour me refroidir un peu et ça semble fonctionner. La faim revient et j’en profite pour engloutir des compotes. On entre dans une forêt d’eucalyptus et ça sent siii bon. Il n’y a pas trop de soleil et le temps se rafraichit, en plein ce que j'avais de besoin.



Malgré l’avoir redouté depuis la préparation de la course, on se fait une superbe montée. Je mets pour la première fois mes écouteurs et fait rouler la nouvelle de Half Moon Run « Alco » dans mes oreilles en boucle, je me sens invincible. Il y a toujours un moment, un « check point » dans la course où tu te dis qu’à partir d’ici, c’est certain que je finis la course. C’était ce moment.


KM 75 : La traversée du Pico Ruivo au Pico Arieiro va à merveille, je connaissais le tronçon pour l’avoir fait en hiking il y a 2 semaines, je suis en terrain connu pour ce 7km. Nico nous fait bien rire avec son vertige sur les escaliers apiques en métal. La dernière partie en montée reste tout de même du bon travail , on pousse des soupirs aux 2 secondes parce qu’on n’en revient juste pas de vivre ce qu’on vit dans un panorama aussi incroyable.



Les ravitos du MIUT sont sommes tout redondants, il manque un peu de surprise comme on les connait dans les courses du Québec. J’attendais toujours un petit wrap végé paté comme au Gaspésia100km ou les grille-cheese de l’UTHC. Ça reste du riz & mushrooms à tout coup et les classiques fruits/craquelins. Efficace, mais prévisible.


Une fois passé le Pico Arieiro, on rejoint Émilie au ravito. Elle ne m’a pas vu depuis mon petit coup de chaud plus tôt dans la journée. Elle nous attend avec des grilled cheese et pasta pesto maison. Je l’aime.

Elle nous parle de Gab qui a dévalé la section qu'on s'apprête à faire, il progresse très bien lui aussi, on est très content de savoir ça, on sait qu’il va arriver à la ligne d’arrivée bien plus vite que prévu.


KM 84 : On entame la grande descente de 2300m sur 26km. Les pasta pesto se sont vites transformées en boost d'énergie dans les jambes, on avale les KM en descente qui longe les « levada » et les trails de mountain bike. La descente est longue, mais graduelle. On avance très bien, mais les européens sont drôlement doué en descente, on en croise plusieurs qui nous sèmes facilement. Plusieurs sont du trajet du 85km et ont des jambes plus fraîches, mais c’est impressionnant à voir. Nous ne sommes pas habitués de descendre sur de très longue distance à la maison. Ce sera un autre point à travailler à mon retour.


Les derniers 5km jusqu’à Porto Da Cruz sont ma foi interrrrminable. On voit la ville, on sait où se trouve le ravito, mais le parcours nous fait faire mille et un détour up/down, ça commence à jouer dans notre mental. Sans dire qu’on passe littéralement à 20 mètres de notre Airbnb…disons qu’on a tourné le coin de rue rapidement pour ne pas trop se laisser tenter !


On arrive finalement au dernier ravito. Il reste 15km….15 lonnnng KM. On est 3 beaux cassés par la fatigue. Je me fais un power nap de 3 minutes, le front accoté sur mes bâtons. Émilie se fait un malin plaisir de nous prendre en photo pour garder ce moment dans les livres d’histoires.




KM 101 : On se claque 2-3 fois les joues, 2 gorgées de café qui m’ont donné une bonne nausée et on repart. Nous avons un 350m de D+ à faire avant d’être sur le plat et d’attaquer la descente finale. Je remets Alco de Half Moon Run en boucle pour faire passer la montée plus rapidement. Malgré près de 7000m de D+, on monte comme des chefs.

Une fois sur le plat/descente, les KM sont longs et on suit encore une fois une levada qui semble faire 10000km. Vincent commence à perdre patience, on tente de le ramener du côté de la lumière avec nous, plus que 5 km, ou 7, ou 9 ? Rendu-là, ça n'importe peu.


Mes jambes avancent, mais ma tête est complètement déconnectée de mes sensations physiques. J’avance jusqu’au bout, au bout de moi-même.

J’avance parce que j’ai la chance de le faire.

J'avance parce que rien ne va m'empêcher de continuer d'aller là où je veux

J'avance pour me prouver qu’aucune limite n’existe en moi. Elle existe, jusqu’au moment où je la fracasse à coup de 7000m de D+.


J’ai pris plusieurs jours à réfléchir à cette course. Les mots ne me sont pas venus aussi facilement qu’à l’habitude. Je tente de garder la tête froide et de rester humble de ce que j’ai été capable de faire, mais ça reste difficile de ne pas viser plus gros, plus grand à chaque fois qu’on atteint un objectif qui semblait déjà trop gros initialement (trop gros pour qui?).


KM 115 : 25h41minutes53secondes, main dans la main avec Nico et Vincent. Un honneur d’avoir foulé ce 115km avec ces deux-là. Rappelons qu’on a fait le Gaspésia 100km ensemble aussi il y a près d’un an déjà. On va devoir trimer dur pour suivre Nico sur un 160km. On me dit à l’oreille qu’on sera les 3 sur la même ligne de départ à Bromont en octobre… !


14h17minutes34secondes pour Gab qui a largement détruit son objectif initial. Une très bonne journée comme on dit! Master de la constance, ça ne sort pas de nulle part quand même.



C’est l’heure de la récup, l’heure du repos et l’heure de rêver aux prochains défis fous qui nous attendent pour la suite.

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